Harry Rosenow reprend les pinceaux en 2011. « Reprend » car la peinture est présente dans sa vie depuis très jeune. Tour à tour nourriture puis moyen d’expression, elle vient, puis se fait plus discrète selon les époques.
Après plusieurs années, non pas réellement d’absence mais plutôt de gestation, maturation, décantation, elle réapparait comme une nécessité de laisser émerger quelque chose de soi.
Harry Rosenow semble peindre ce qui l’habite. Il parle d’un geste intuitif, sans réflexion préalable, sans plan, mais guidé par les pigments, les matières, les pinceaux et ses sensations.
Dans les premières peintures, l’artiste déclare être mû par une recherche autour de la vibration de la couleur. Toutes sur le même modèle, elles nous donnent à voir une séparation nette au centre de la toile, comme une ligne d’horizon, une perspective où deux espaces se rejoignent sans jamais vraiment se rencontrer. Chaque partie bien distincte joue de nuances de couleurs, comme une onde qui se propage laissant par endroit entrevoir des strates qui semblent émerger des profondeurs.
Un grand calme se dégage de ces toiles, comme une recherche d’équilibre, sur le fil…
Par la suite, de la ligne d’horizon, de ce vide entre deux mondes, semble émerger un troisième élément, une forme circonscrite, arrondie, qui unifie tout autant qu’elle fait ressortir les deux parties distinctes des premières toiles. De la vibration de la couleur apparait la matière qui en émerge et affleure à la surface de la toile.
Peu à peu la matière prend de plus en plus de place et se transforme en un magma informe. La peinture est enrichie de poussières, de cendres, de micas ou même des fonds de pots qui ont séchés dans l’atelier… Elle prend de l’épaisseur, du relief. De ce flou, là aussi différentes strates semblent remonter à la surface, avec par endroit des éclats de lumière. Des papiers métallisés ors et cuivrés sortent et transpercent la couche picturale. C’est le début du travail sur la lumière.
Ce travail sur la lumière passe par une période d’exploration du noir puis du blanc. La lumière apparait dans les jeux de matières, de textures, elle semble fendre la toile, percer avec difficulté le noir pour apparaitre, intense. Puis au contraire, dans le blanc, elle se dilate, plus subtile elle glisse sur la toile, l’habite et accroche par endroits.
Cette recherche autour du noir et du blanc apparait presque comme une synthèse des travaux travaux précédents : la couleur, vibrante, a trouvé son point d’équilibre en devenant lumière. Elle disparait pour nous donner à voir la matière.
Puis plus tard, les formes réapparaissent, la couleur aussi, et toujours cette lumière qui semble transpercer la couche picturale, parfois à la manière d’une comète qui transperce l’obscurité du ciel. Beaucoup des dernières toiles de l’artiste, bien qu’abstraites, semblent évoquer quelque chose du cosmos ou d’une cosmogonie.
En laissant notre regard voyager de toile en toile on peut peut-être percevoir une sorte de quête, une exploration, vaste et intime. A la conquête de quoi? De qui nous sommes ? De soi? De se dire?
Une quête philosophique, scientifique, anthropologique, spirituelle, humaine… à travers le sensible, l’invisible, le poétique. Une quête qui se dit par le ressenti, peut-être pas toujours consciente d’elle-même, mais bien vivante.
Julia Rosenow